Programmes, atouts, épines dans le pied : tout savoir sur les cinq candidats de la primaire écolo

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Programmes, atouts, épines dans le pied : tout savoir sur les cinq candidats de la primaire écolo

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Delphine Batho, Jean-Marc Governatori, Yannick Jadot, Éric Piolle et Sandrine Rousseau.
Delphine Batho, Jean-Marc Governatori, Yannick Jadot, Éric Piolle et Sandrine Rousseau.
© AFP

Fin septembre, les écolos devront élire leur représentant pour l'élection présidentielle de 2022. Une primaire décisive pour permettre aux écologistes de s'imposer dans le paysage médiatique. Cinq candidats sont en lice : cinq personnalités, cinq programmes, cinq caractères bien différents.

Pour la présidentielle, les écologistes ont une nouvelle fois fait le choix de la primaire "ouverte". Ils sont cinq à prétendre à l'imprematur écologiste pour 2022. 

Les Verts jouent gros : ils veulent maintenant gouverner. Les 2,31% d'Eva Joly à la présidentielle de 2012 sont loin et les écolos s'ancrent toujours plus dans le paysage politique français, comme l'a montrée la "vague verte" des municipales de 2020 (notamment à Lyon, Bordeaux, Strasbourg et Grenoble) qui s'est poursuivie avec les dernières élections régionales (91 conseillers régionaux au niveau national). 

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La primaire est ouverte à toute personne de plus de 16 ans participant à hauteur de 2€ et signant la "charte de valeurs" des écologistes, contre 5€ en 2016 et 10€ en 2011. Alors qu'ils étaient environ 17 000 il y a 5 ans, les votants sont estimés à quelque 30.000 selon les organisateurs. Même si ce chiffre est plus élevé, ce n'est pas forcément le raz-de-marée escompté par plusieurs candidats. 

Alors que selon un sondage YouGov/L'Internaute, 43% des Français déclaraient n'avoir "jamais entendu parler d'un des candidats", les écolos font face à un véritable challenge médiatique pour faire connaître leur primaire. Les différents débats devraient, à ce titre, jouer un rôle clé. Le premier sera organisé par France Inter le 5 septembre prochain, en partenariat avec France Info et Le Monde. Quant au scrutin en ligne, il aura lieu du 16 au 28 septembre prochain. Voici le portrait des cinq candidats.

Delphine Batho : l'écologiste intégrale

Delphine Batho, 48 ans, députée des Deux-Sèvres et présidente de Génération Écologie.
Delphine Batho, 48 ans, députée des Deux-Sèvres et présidente de Génération Écologie.
© AFP - Baptiste Roman / Hans Lucas

Sa bio : L'ex-ministre de l'Écologie, 48 ans, est fille d’un couple de photographes. Elle commence à militer au collège contre le projet de loi Devaquet en 1986 et adhère à 15 ans à SOS Racisme, puis au Parti socialiste au milieu des années 90, avant d'entrer au bureau national en 2000. Elle devient députée des Deux-Sèvres en 2007 et intègre le gouvernement suite à l’élection de François Hollande en 2012. En mai 2018, elle quitte le PS pour rejoindre le mouvement Génération Écologie dont elle prend la tête.

Son slogan : "L’écologie intégrale"

Son programme : La notion de "décroissance" est indéniablement le centre de son programme pour la primaire écologiste. Sur son site internet, l'ex-ministre enchaîne les "constats implacables" pour démontrer l'absurdité du culte de la croissance économique. Difficile en revanche de trouver des solutions et des propositions concrètes qu'elle compterait appliquer une fois élue. Dans ses discours, on retrouve également les termes d' "écoféminisme" et d' "écologie intégrale". Une façon de montrer que l'écologie ne se résume pas à la protection de la planète, mais peut également apporter des réponses pour combattre le patriarcat, le productivisme et la résignation politique.

Tonalité de sa campagne : À la tribune des journées d'été écologistes, Delphine Batho a appelé, une nouvelle fois, à "franchir le rubicon de la décroissance". Un terme qu'elle associe à des pratiques déjà répandues au quotidien : "Quand vous prenez le vélo plutôt que la voiture, quand vous décidez d'acheter sur Le Bon Coin au lieu d'acheter du neuf, de manger moins de viande... Tout ça porte un nom, ça s'appelle la décroissance" a-t-elle asséné fin août devant les militants écolos.

Son point faible : La décroissance ne fait pas l’unanimité dans les rangs écolos EELV, qui ont à cœur de présenter l’écologie comme une solution et pas une punition. Delphine Batho est l’intellectuelle de la bande, la plus douée et agile dans les débats. Elle a été ministre députée, et a notamment défendu la fin des publicités audiovisuelles dans les magasins en commission au Parlement. C'est aussi une redoutable bretteuse politique douée d’un sens de la pédagogie rare.

Signe particulier: Elle s'engage en politique dès le collège : des années avant son entrée au PS, elle milite dans un syndicat lycéen, la FIDL, notamment pour s'opposer à la politique du gouvernement... de Lionel Jospin. Après deux mois de grève, le mouvement obtiendra de nombreuses mesures en faveur des droits lycéens, notamment la création des conseils académiques de la vie lycéenne (CAVL).

Jean-Marc Governatori : l’outsider centriste

Jean-Marc Governatori, 62 ans, conseiller municipal de Nice et co-président de Cap Écologie.
Jean-Marc Governatori, 62 ans, conseiller municipal de Nice et co-président de Cap Écologie.
© Maxppp - Franck Pennant

Sa bio : À 62 ans, Jean-Marc Governatori est conseiller municipal de Nice. Fils de menuisier et père de six enfants, il est diplômé de l’École supérieure de commerce de Nice. Au départ adhérent de l’UDF, il fonde en 2004 le parti "La France d’en bas" (qui deviendra "La France en action") qui s’alliera avec d’autres partis écologistes pour former l’Alliance Écologiste Indépendante en 2009. Il tente plusieurs fois de se présenter à des élections (législatives et présidentielle de 2007, européennes de 2009, régionales de 2010) sans succès. Il partage désormais la co-présidence du parti Cap Écologie depuis février dernier avec l'ancienne ministre Corinne Lepage.

Son slogan : "L'écologie au centre"

Son programme : Jean-Marc Governatori veut développer l'économie circulaire et relocaliser le tissu agricole pour limiter l'empreinte carbone des importations. L'objectif : 50% de produits bio et locaux d'ici 2025. Il s'engage également à refuser toute nouvelle construction de grands projets ayant un impact négatif sur le climat, comme les grandes surfaces ou les infrastructures routières. Il inclut dans sa liste les projets de "développement de la 5G". Pour bénéficier de subventions, les nouveaux projets de construction devront répondre à des "critères de diversification", notamment la plantation de forêts ou la création de réserves naturelles. Côté énergie, il souhaite mettre en place une feuille de route pour une France 100% énergies renouvelables d'ici à 2050.

Tonalité de sa campagne : L'élu local s'est imposé dans cette primaire par la force : sa candidature avait été exclue début juillet par les organisateurs. En cause : une partie de la coalition à l'origine de sa candidature s'opposait à l'idée de soutenir inconditionnellement le vainqueur du scrutin. C'est donc devant les tribunaux que le candidat a obtenu son feu vert : fin juillet, le tribunal de Bobigny a invalidé son exclusion. Résultat : lors de sa "carte blanche" aux journées d'été des écologistes le 20 août dernier, Jean-Marc Governatori a été accueilli par un public clairsemé et sous quelques sifflets. 

Son point faible : Son véritable point faible est d'être considéré comme "droitier" face à un électorat clairement de gauche. Il a été repêché par la justice dans cette primaire, et la plupart des militants considèrent qu’il s’est trompé de compétition.

Signe particulier : Dans cette course à l'investiture, il est le seul des candidats à ne pas se dire de gauche. Plus encore, il appelle à "sortir l'écologie de la gauche". "La France est un pays de droite, et s'afficher à gauche, c'est être condamné à finir troisième", explique-t-il. 

Yannick Jadot : le (presque) favori

Yannick Jadot, 54 ans, député européen et membre de Europe Écologie-Les Verts.
Yannick Jadot, 54 ans, député européen et membre de Europe Écologie-Les Verts.
© AFP - Frédéric Pétry

Sa bio : Fils d’un couple d’enseignants, le député européen de 54 ans est père de deux enfants. Il possède une maîtrise de commerce international après avoir fait des études d’économie à l’université Paris-Dauphine. Il a travaillé auprès d’une ONG spécialisée dans le suivi de négociations internationales avant de devenir directeur de campagnes de Greenpeace France jusqu’en 2008. En 1999, il rejoint le mouvement Les Verts, devenu Europe Écologie-Les Verts. Vainqueur de la précédente primaire écologiste en 2017, il s'était alors retiré en faveur de Benoît Hamon. Depuis, il a été élu eurodéputé en 2019.

Son slogan : "2022, l’écologie !"

Son programme : Yannick Jadot veut 20 milliards d’euros d’investissements publics par an, particulièrement dans la rénovation thermique des logements. Il souhaite également instaurer un impôt sur le patrimoine et abaisser dans le même temps la TVA, notamment pour les produits bio ou recyclés. Yannick Jadot compte également sortir la France de l’élevage industriel et interdire l’importation de produits contribuant à la destruction de la biodiversité, notamment les forêts primaires (comme l’huile de palme). S'il est élu, il souhaite la création d'un ministère des Catastrophes et de la Protection civile pour gérer à l'échelle nationale la question des désastres environnementaux.

Tonalité de sa campagne : Le député européen a un avantage par rapport à ses concurrents : il est déjà bien connu du grand public, et il compte bien se servir de sa notoriété pour faire entendre son message. En apparaissant pragmatique, ouvert et conciliant, il se présente comme étant le plus présidentiable, quitte à ne pas séduire les militants les plus "radicaux" au sein du parti.

Son point faible : Malgré son passé militant chez Greenpeace et sa fidélité aux Verts, ses idées sont parfois jugées trop "libérales" : durant sa campagne pour les élections européennes de 2019, il souhaitait réconcilier son parti avec "l'économie de marché" et "la libre entreprise". Contrairement à plusieurs de ses adversaires, il n'apprécie guère le concept de "décroissance".

Signe particulier : Il a longtemps été l'un des plus fervents militants en faveur d'une union de la gauche en vue de la présidentielle : en avril dernier, il avait été l'instigateur d'une réunion unissant des représentants du PS, de la France Insoumise, du Parti radical de gauche et du PCF. Ensemble, ils avaient convenu de la possibilité de se réunir à plusieurs reprises pour envisager une candidature unie. Un voeu resté pieux, qui a depuis fait long feu.

Éric Piolle : le deuxième homme

Éric Piolle, 48 ans, maire de Grenoble et membre de Europe Écologie-Les Verts.
Éric Piolle, 48 ans, maire de Grenoble et membre de Europe Écologie-Les Verts.
© AFP - Frédéric Pétry / Hans Lucas

Sa bio : Éric Piolle, âgé de 48 ans, est fils d’un couple de chercheurs au CNRS. Marié et père de quatre enfants, il a fait ses études à l’École nationale supérieure de génie industriel de Grenoble. À 24 ans, il se présente aux élections législatives en Isère sous l’étiquette "Semaine de quatre jours". En 2010, il est élu conseiller régional de Rhône-Alpes avec une liste d’union de la gauche et devient maire de Grenoble en 2014 : il est alors le seul maire écolo d'une grande ville française, six ans avant la "vague verte" qui a vu les écologistes remporter plusieurs mairies de villes importantes aux municipales de 2020 – même si le bilan de son premier mandat a été contesté dans un livre sorti début 2021, "Le vide à moitié vert". 

Son slogan : "De l'espoir", le titre de son livre

Son programme : Éric Piolle souhaite créer en tout 1,5 millions d’emplois grâce à un programme de transition écologique et revaloriser les bas salaires. Pour lutter contre les inégalités, il prône la mise en place d'un "ISF climatique" pour taxer les pollueurs les plus fortunés. Sous son quinquennat, promet-il, 20 000 soignants seront embauchés et des "maisons de santé en commun" seront crées pour regrouper professions médicales et associations dans des établissements de proximité. L’actuel maire de Grenoble vise également un référendum constitutionnel en juin 2022 pour créer une "démocratie réellement représentative" et inscrire la préservation de l’environnement dans la constitution française.

Tonalité de sa campagne : À l'instar de son concurrent Yannick Jadot, Éric Piolle se bâtit une image "d'homme présidentiable", fort de son expérience politique au niveau local. Il a récemment achevé son tour de France estival pour partir à la rencontre "des Français qui ne partent pas en vacances" et n'hésite pas à tendre la main aux autres partis politiques pour tenter d'unir la gauche en vue de la présidentielle, comme en témoigne sa présence aux "AMFiS" (les journées d'été de la France Insoumise) fin août, tout comme sa camarade Sandrine Rousseau.

Son point faible : La gestion des quartiers populaires grenoblois : ses adversaires lui reprochent l’insécurité dans la ville qu'il dirige. Ce qui lui avait valu notamment une passe d'armes avec Gérald Darmanin au printemps dernier.

Signe particulier : Éric Piolle a un solide réseau de soutiens au sein des partis écologistes. Ainsi, en juillet dernier, lors du lancement de la primaire, Éric Piolle était celui qui avait obtenu le plus de parrainages : alors qu'il fallait obtenir au moins 28 signatures sur une liste de 200 parrains et marraines, selon les informations du MondeÉric Piolle en avait recueilli une cinquantaine, soit une dizaine de plus que Yannick Jadot. 

Sandrine Rousseau : la radicale assumée

Sandrine Rousseau, 49 ans, économiste et membre de Europe Écologie-Les Verts.
Sandrine Rousseau, 49 ans, économiste et membre de Europe Écologie-Les Verts.
© Maxppp - Mathieu Herduin

Sa bio : Née de parents inspecteurs des finances, dans une famille politisée à gauche, l'économiste de 49 ans Sandrine Rousseau obtient un doctorat en économie industrielle à l’université de Lille en 2002, où elle enseigne ensuite. En 2009, elle adhère à Europe Écologie-Les Verts et devient vice-présidente du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais l’année suivante. Elle quitte le parti en 2017 puis le réintègre en 2020 pour se porter candidate à la primaire écologiste. En 2016, avec d'autres élues, elle dénonce les agressions sexuelles commises par l’ex-député écologiste Denis Baupin. Ces révélations auront un impact médiatique considérable. Sandrine Rousseau recevra, ainsi que ses collègues, le soutien d'un grand nombre de femmes politiques, de droite comme de gauche.

Son slogan : "Oui, les temps changent !"

Son programme : La lutte contre la précarité et les inégalités est, avec l’écologie, un thème fort de son programme. « Tout notre système économique, social et sociétal est fondé sur le triptyque : nous prenons, nous utilisons et nous jetons. Le corps des femmes, le corps des racisés. Nous ne voulons plus ça et c’est ça la révolution que je vous propose", a-t-elle dit aux Journées d'été des écologistes. Elle prône un « revenu d’existence » de 850 euros dès 18 ans, un accès garanti à l’eau et à l’électricité et souhaite mettre en place la semaine de 4 jours pour "mieux répartir le temps de travail". Sandrine Rousseau met la question de l’Europe sociale au cœur de son programme pour promouvoir l’agriculture biologique, la mise en place d’une taxe carbone et une réorientation des politiques budgétaires. Ces propositions sont également appuyées par une volonté de "refonte des institutions" de la Ve République. 

Tonalité de sa campagne : Sandrine Rousseau tente de se différencier par sa "radicalité", un mot omniprésent dans sa communication. Elle souhaite créer la surprise en s’adressant à une nouvelle génération, combattive et engagée, citant Angèle et s’entourant de jeunes militants écolos pour structurer sa campagne. 

Son point faible : Sa revendication d’être une des pionnières du mouvement #metoo finit par agacer. Son combat pour l’éco-féminisme paraît à certains de nature écarter de l’écologie politique un arc social démocrate, qu’il faudra pourtant rallier pour accéder au second tour de l’élection présidentielle

Signe particulier : Dans un entretien pour Charlie Hebdo le 27 août, elle affirme : "Je préfère des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR".  Une référence à la sorcellerie moquée sur les réseaux sociaux par ses  adversaires politiques – mais que l'écologiste assume : en 2019, elle  faisait partie de 200 signataires d'une tribune pour la réhabilitation  du mythe de la sorcière comme symbole féministe, une théorie popularisée  par Mona Chollet dans son livre "Sorcières".

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